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Le lien entre l’étude de la langue et la production d’écrit et la lecture est demandé par les programmes de l’école depuis longtemps. En 1995 : « l’apprentissage de la langue (…) s’inscrit en priorité dans une interaction constante entre parler, écouter, lire et écrire » ; en 2002 : « les connaissances acquises dans les séquences consacrées à la grammaire sont essentiellement réinvesties dans les projets d’écriture » ; en 2008 : « l’étude de la langue française (…) est conduite avec le souci de mettre en évidence ses liens avec l’expression, la compréhension et la correction rédactionnelle » ; en 2015 : « une étude de la langue explicite, réflexive, qui est mise au service des activités de compréhension de textes et d’écriture [et] prend appui sur les textes étudiés et sur les textes produits par les élèves » ; dans les programmes en vigueur actuellement : « le transfert de ces connaissances lors des activités d’écriture en particulier (…) fait l’objet d’un enseignement explicite ».

Ce n’est pas nouveau !

Parmi les quatre domaines de cette étude de la langue (orthographe, vocabulaire, grammaire, domaine du verbe), l’orthographe a une place à part, parce qu’à la fois elle nécessite un travail très spécifique et elle ne trouve son application réelle qu’en production d’écrit, ce qui n’est d’ailleurs pas du tout paradoxal !

 

Dictée / production écrite

Lorsque la réponse institutionnelle à une baisse du niveau orthographique des élèves ne se concentre que sur le travail spécifique de l’orthographe à travers la dictée, elle oublie l’autre aspect, fondamental : la réflexion orthographique en écriture spontanée. Or dictée et production montrent deux différences essentielles :

– d’une part en dictée, le choix des mots n’est pas possible puisque la phrase ou le texte sont donnés par celui qui dicte alors qu’en production celui qui écrit a toujours la possibilité de choisir un mot dont il maitrise mieux l’orthographe, décidant par exemple de remplacer « il croit » par « il pense » ou « cueillette » par « ramassage » ;

– d’autre part en production, l’attention ne peut pas se concentrer sur les seules exigences orthographiques puisque l’élève doit aussi penser à la planification du texte faite au préalable, à la linéarisation des idées qu’il veut mettre dans son écrit et à la gestion de la structure générale de ce qu’il est en train d’écrire.

Là encore, aucun paradoxe car ces deux aspects pourraient aisément être rapprochés à l’école :

– en dictée on ne choisit pas ses mots, contrairement à la production ? Qu’à cela ne tienne. Autorisons et entrainons les élèves à faire ces choix aussi pendant une dictée ; si l’enseignant dicte « le petit garçon croit que l’ogre est parti », encourageons-les à écrire « le petit garçon pense que l’ogre est parti » s’ils pensent ne pas savoir écrire « croit ». Cela augmentera leur vigilance orthographique, les entrainera à ce type de choix pour la production et mettra en avant le doute orthographique, c’est-à-dire la capacité à repérer les endroits de la phrase où une attention particulière est nécessaire : en bref, « je ne connais pas l’orthographe d’un mot, alors je peux choisir un autre mot » !

– en production, l’orthographe n’est pas le seul domaine à maitriser ? Qu’à cela ne tienne. Apprenons aux élèves quelques principes très simples de reprise de leurs écrits avec des opérations sur la phrase qui mêlent l’enrichissement et l’orthographe, par exemple l’ajout d’un adjectif qui oblige à réfléchir aux accords dans le groupe nominal, ou le remplacement vertical d’un nom par un synonyme qui nécessite de penser aux marques analogiques de nombre (remplacer « chiens » par « animaux » fait réfléchir au fait que « s » et « x » sont deux lettres finales muettes de même valeur dans ce contexte).

 

Travailler l’orthographe « pour de vrai »

L’avantage de lier ainsi réellement orthographe et production, c’est qu’enfin la première est travaillée dans la situation dans laquelle elle est utile, en quelque sorte « pour de vrai ».

Bien sûr, l’orthographe demande un travail rigoureux et systématique par ailleurs. Les progrès de la didactique ont conduit à décrire de nombreuses dictées d’apprentissage bien conçues, qui permettent aux élèves de justifier, de négocier, de réfléchir au doute orthographique et de comprendre le fonctionnement du système orthographique organisé en 4 niveaux (phonographie, lexique, accords du GN, relation sujet verbe). Mais à côté de ces dictées, l’enrichissement dans une production, s’il est fait dans le souci d’augmenter l’effet produit et s’il s’opère à un endroit bien choisi d’une phrase, permet aussi de développer les compétences orthographiques.

 

Ne pas se limiter à la dictée quotidienne

Ainsi, la volonté actuelle de mettre l’accent sur les « savoirs fondamentaux » ne peut pas se limiter, pour la maitrise de l’écrit, à la seule dictée quotidienne. Certes il est indispensable de proposer chaque jour aux élèves des cycles 2 et 3 une activité orthographique conduisant à réfléchir à la façon d’écrire les mots en liste ou dans des phrases et donc à négocier et justifier leurs choix. Mais deux types d’activités paraissent tout aussi indispensables et ne sauraient être détachées de la dictée :

– dans des leçons de langue, des tâches conduisant les élèves à mieux comprendre comment fonctionne l’orthographe : nous pensons ici aux classements d’erreurs, à la construction d’un codage orthographique et à l’écriture de quelques procédures simples pour retrouver des erreurs ; par exemple, « pour vérifier l’orthographe d’un verbe, je cherche le nom ou le sujet qui est son sujet et j’utilise un tableau de régularité de conjugaison » ; ce tableau permet alors à l’élève de vérifier par exemple que tout sujet au pluriel provoque la terminaison -nt, quels que soient le groupe et le temps du verbe. Dans ces activités seront convoqués de courts exemples pris dans les productions des élèves pour ce que Jean-Pierre Jaffré nomme « des détours didactiques, des décrochages » dans sa contribution dans le Café pédagogique du 24 janvier.

– en production, la pratique quotidienne d’écrits courts, pas uniquement en français, qui font l’objet d’une révision simple mais systématique conduisant à ajouter, remplacer ou déplacer des mots ou des groupes de mots et à repérer à chaque fois les conséquences orthographiques de ces manipulations ; cela conduit à travailler d’une part l’orthographe grammaticale autour des GN et d’autre part toutes les marques finales des verbes, et donc ainsi toute l’orthographe de la relation entre les mots. Il suffit de connaitre quelques manipulations de ce type pour les appliquer sur tous les types d’écrits et pour mettre en pratique de façon spiralaire et simple toutes les notions d’orthographe grammaticale. »

 

Jean-Paul Vaubourg,

Profécoles